Etat islamique, un monstre providentiel

Rapides et étendues, les conquêtes militaires de l’Etat islamique en Irak et en Syrie stupéfient le monde. Elles profitent de la décomposition des Etats au Proche-Orient et contrarient la stratégie des Etats-Unis. Pour « extirper le cancer » djihadiste, M. Barack Obama prétend compter avant tout sur les acteurs régionaux. La focalisation sur cet épouvantail commode épargne à tous des remises en question douloureuses.

par Peter Harling, septembre 2014

L’Etat islamique, ce mouvement djihadiste qui contrôle désormais une grande partie du nord-est de la Syrie et du nord-ouest de l’Irak, apparaît aussi déterminé et sûr de lui que la région qui l’entoure est confuse. Il ne constitue en rien un nouvel Etat, puisqu’il rejette la notion de frontière et se passe largement d’institutions. En revanche, il nous en apprend beaucoup sur la situation du Proche-Orient, et notamment sur celle des Etats de la région, sans parler des politiques étrangères occidentales.

Ce mouvement conquérant a une identité étonnamment claire, étant donné sa composition — des volontaires venus de partout — et ses origines. L’histoire commence en Irak quand, à la suite de l’invasion américaine de 2003, une poignée d’anciens moudjahidins de la guerre d’Afghanistan mettent sur pied une franchise locale d’Al-Qaida. Très vite, leur doctrine se dissocie de celle de la maison mère : ils donnent la priorité à l’ennemi proche plutôt qu’à l’adversaire lointain que peuvent représenter les Etats-Unis ou Israël. Ignorant de plus en plus l’occupant américain, ils déclenchent une guerre confessionnelle entre sunnites et chiites, puis rentrent dans une logique fratricide. Leur ultraviolence se retourne contre les traîtres et les apostats supposés parmi les sunnites, c’est-à-dire dans leur propre camp. L’autodestruction qui s’ensuit, entre 2007 et 2008, réduit cette mouvance à quelques radicaux retranchés dans les confins du désert irakien.

Si l’Etat islamique effectue un retour spectaculaire aux affaires, une faible part du mérite lui en revient. Ses ennemis déclarés, dont la liste, impressionnante, forme une sorte de Who’s Who de la scène stratégique régionale, lui ont ouvert un boulevard. Les régimes du premier ministre irakien Nouri Al-Maliki et du président syrien Bachar Al-Assad, d’abord, qui ont utilisé tous les moyens possibles et imaginables — et même inimaginables, dans le cas des armes chimiques en Syrie — pour combattre, au nom d’une prétendue « guerre contre le terrorisme », une opposition sunnite qu’ils (…)

Source: http://www.monde-diplomatique.fr/2014/09/HARLING/50787

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