Une campagne nationale pour parler de l’excision en France

L’association «Excision, parlons-en !» a lancé vendredi 3 mars une campagne de prévention et d’information sur les mutilations sexuelles à destination des adolescentes.

Trois filles sur dix de parents issus de pays pratiquant les mutilations sexuelles féminines (MSF) sont menacées par l’excision. C’est sur la base de ce constat qu’un site de prévention et d’information, Alerte Excision, a été créé pour alerter les adolescentes à risque. Lancée le 3 mars par la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, la campagne nationale met en place le tout premier site de référence sur le sujet en français. Informations générales, quiz, numéros d’urgence et témoignages, l’outil est destiné aux 12-18 ans qui pourraient être concernés, mais aussi leur entourage. Jusqu’au 30 juin, l’association Excision, parlons-en ! s’adressera directement aux adolescentes afin de les protéger, les conseiller, mais surtout de leur faire prendre conscience qu’elles sont des sujets à risque. Lors de la présentation du projet, la Maison des femmes, partenaire de l’opération, rappelait que «14% des femmes qui ont accouché à Saint-Denis sont excisées».

«Tu pensais partir en vacances ?»

L’excision, interdite et punie par la loi dans la plupart des pays du monde, reste largement pratiquée, notamment au Mali, en Egypte ou au Soudan. L’imitation sociale est souvent invoquée pour justifier les violences commises sur les jeunes filles, où des bribes de leurs parties génitales sont coupées sans anesthésie et par la force. La France n’est pas épargnée. C’est lors de vacances familiales que des adolescentes souffrent de ces anciennes pratiques, souvent contre leur gré. D’où l’initiative de choisir le slogan «Tu pensais partir en vacances ?», qui sera accolé sur toutes les affiches de la campagne. Pourtant, les exciseurs encourent jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle pour toute mutilation sur une mineure et 150 000 euros d’amende. La loi protège tous les enfants qui vivent en France, quelle que soit leur nationalité.

Sur le territoire, elles seraient 50 000 adolescentes à avoir subi ces violences sexuelles, selon le dernier rapport de l’Institut national d’études démographiques (INED), publié en 2007. «Mais on peut aujourd’hui estimer ce nombre à 60 000, et à 500 000 en Europe» explique à Libération Marion Schaefer, déléguée générale de l’association Excision, parlons-en ! «La plupart du temps, ces violences ont lieu dans le cercle familial, donc un cercle très fermé, et les jeunes filles ne sont pas au courant de ce qui leur arrive ou de ce qu’elles viennent de subir. Il y a encore un grand travail d’information à fournir» poursuivra-t-elle.

Un sujet tabou

Alors que l’excision occupait une place centrale dans le débat public des années 80, les MSF ne sont aujourd’hui plus si médiatisées, alors qu’elles continuent de toucher les jeunes filles. Infections, saignements, qui peuvent conduire à la mort, les conséquences sont nombreuses. Mais c’est d’un point de vue moral que les difficultés apparaissent. A travers des témoignages, l’association rappelle les dangers encourus par les adolescentes.

Sur le site Alerte Excision, F., 12 ans, raconte ses premières vacances en Guinée : «Nous allions découvrir : le soleil, la mer et la plage durant les grandes vacances ! Mais elles se sont transformées en cauchemar. Nous avons été excisées avec nos cousines chez notre grand-mère. Une femme nous a tenu les jambes, une seconde nous écrasait la poitrine pour nous empêcher de crier et une troisième tranchait à vif dans les chairs. Je n’oublierai jamais les cris, en particulier de ma sœur, qui depuis est handicapée mentale.» Dans un article publié par Libérationen août 2016, Haby racontait elle aussi le calvaire de l’excision, après avoir subi une opération de réparation du clitoris : «On était plusieurs filles à jouer dehors. On a été appelées tour à tour par une femme qui nous proposait des bonbons. Elle m’a emmenée dans un bâtiment en construction, où se trouvaient plusieurs dames. On m’a allongée, maintenue de force. On m’a mis un truc dans la bouche pour que je ne crie pas. Puis la femme a sorti une lame. Je revois encore la scène. Ensuite, j’avais tellement mal que je ne pouvais plus marcher ou faire pipi.»

Au nom de quoi ?

Longtemps assimilée à la religion, l’excision serait plutôt une affaire de rite de passage à l’âge adulte. L’ablation du clitoris permettrait alors de supprimer le plaisir sexuel des femmes afin de prévenir les relations extraconjugales et garantir la reconnaissance de paternité. Les mutilations sexuelles féminines sont actuellement pratiquées au nom de la préservation de la virginité, de l’interdiction de l’accès à l’orgasme des femmes, mais aussi pour des raisons prétendument hygiéniques. Aujourd’hui, ces violences persistent en raison d’un sentiment d’obligation sociale : la peur du jugement et des sanctions demeure, tout comme la crainte ne pas pouvoir marier ses filles.

En 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) réaffirmait son engagement dans la lutte contre l’excision : «Au-delà des questions de cultures et de traditions, les mutilations sexuelles féminines constituent de graves atteintes à l’intégrité physique de la personne. Nul droit à la différence, nul respect d’une identité culturelle ne saurait légitimer des atteintes à l’intégrité de la personne, qui sont des traitements criminels.» Dans le monde, six filles sont excisées chaque minute, soit trois millions par an. Les fillettes et femmes touchées par ces violences sexuelles sont difficilement quantifiables, mais selon l’Unicef, elles seraient quelque 200 millions à avoir été concernées.

Margaux Boddaert

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